Quand la Howmet TX se relaxe au paddock du Spa Classic 2011
Bel événement et rassemblement des incontournables passionnés de l’asphalte et du doux ronronnement des moteurs, le Spa Classic 2011 qui s’est déroulé du 27 au 29 mai 2011 a été haut en couleurs et en rencontres. Heureux invités en VIP au Classic Endurance, nous avons pu découvrir de belles restaurations et d’autres véhicules dans leur « jus », pleines d’histoires et de souvenirs.
Parmi tout ce monde, il y avait la fameuse Sport-Prototype américaine Howmet TX (T pour « turbine et X pour « expérimental« ), ce véhicule hors norme des années 1960, qui fut un temps où il y avait beaucoup moins de restrictions placées sur les concepteurs de voiture de course qu’à l’heure actuelle. Le projet de la Howmet a été conçu au début 1967 par Ray Heppenstall, un pilote de voiture de sport de Philadelphie (USA) et fabriquant de pièces aluminium pour l’aéronautique. Initialement créée « pour tester la compétitivité du moteur à turbine à gaz en sport automobile ».
Voiture propulsée par une turbine d’hélicoptère combinée à un châssis construit par McKee Engineering, son heureux et sympathique « mécanicien-pilote co-propriétaire » est Monsieur Micheron. Voiture parfois capricieuse, mais tellement étonnante lorsque le « moulin » turbine, cette voiture est véritablement extraordinaire.
Découvrez l’interview exclusive de Xavier Micheron, l’heureux propriétaire de la Howmet TX .
Jean : Vous participez au Mans Classic avec une auto que nous n’avions pas revue courir depuis 1968…
Xavier Micheron : En effet lorsque j’ai su que mon frère et moi pouvions acquérir cette voiture, j’ai pensé qu’elle correspondait à ce dont j’avais envie, c’est-à-dire faire revivre cette merveilleuse période où les constructeurs avaient la liberté du choix de la technologie. Il y avait dans les courses d’endurance des autos légères, faiblement motorisées, cherchant l’aéro, qui se confrontaient à d’autres plus lourdes, très ou surmotorisées. La Howmet est l’exemple extrême de cette liberté dans l’exploitation des règlements et de la technologie. Tout le contraire de ce qui se passe aujourd’hui. Nous l’avons achetée il y a un an et nous espérions assumer notre rêve : courir et faire courir cette voiture emblématique au Mans.
Jean : Parlez-nous de cette auto somme toute mystérieuse.
Xavier Micheron : Le commanditaire de cette voiture était la firme Howmet, fabriquant de pièces en alu destinées a l’aéronautique. C’est pour cela que le cahier des charges imposait que de nombreuses pièces en alu soient visibles et non peintes. La renommée et les retombées médiatiques ont permis a l’actionnaire principal de Howmet de vendre sa firme un bon prix à Pechiney en 1969. Ce fut une belle opération technologique, médiatique et financière à l’américaine. C’est Ray Heppensttal qui a été chargé de développer le projet sur la base d’un châssis McKee. Il fabriquait des châssis pour des Canam, il pilotait également cette machine. Elle a fait sa première course aux 24 heures de Daytona 68, la piste était très sale, très poussiéreuse et la turbine a grippé, c’est pourquoi lors de la course suivante qui eut lieu à Sebring les ingénieurs ont ajouté cet appendice sur le toit ; il sert à canaliser et réguler l’air pénétrant dans la turbine. Bob McKee est toujours vivant, il vit dans l’Illinois, je l’appelle presque toute les semaines. Il y a un mois environ, je m’inquiétais auprès de lui de savoir comment nous allions refaire des pièces lorsqu’elle seraient en bout d’heures. Il m’a dit de ne pas m’inquiéter. Quelques jours après FedEx me livrait un gros rouleau en carton dans lequel contenant l’ensemble des plans de construction de la machine. J’ai tout !
Jean : Elle est dans un état impeccable, vous l’avez touchée comme tel ?
Xavier Micheron: Cette voiture a été restaurée par Bob McKee en 1996, il avait racheté les deux exemplaires 1 dollar symbolique à Howmet lorsque après une saison ils ont décidé de cesser la compétition.
Jean: ??
Xavier Micheron : Oui, 1 dollar.
Jean: Pourquoi ont-ils abandonné la compétition ?
XM : Il faut bien dire qu’elle n’était pas réellement adaptée aux courses d’endurance de l’époque. D’abord pas pilotée par de grands pilotes comme l’étaient ses concurrents Ford, Ferrari, Chaparral. De plus le concept même de la turbine, compte tenu du règlement qui exigeait des ravitaillements moteur coupé, obligeait les mécaniciens à déverser des kilos de glace sur la turbine à chaque arrêt, je vous laisse imaginer les chocs thermiques que cela pouvait provoquer.
Jean : Pourquoi de la glace ?
Xavier Micheron : Parce que une turbine ne se redémarre pas à chaud. Cela faisait perdre beaucoup de temps dans les stands. Si l’on regarde la performance pure de cette auto, elle aurait été devant ou pas très loin des premiers. Pour les courses historiques où les runs sont en général d’1 h ½ c’est parfait, avec un plein de 95 litres de kérosène il n’y a pas besoin de ravitailler. Les réponses sont dans l’Histoire. Pour ce qui est de la maintenance nous avons la chance d’avoir notre chef mécanicien Olivier dont la spécialité est l’aéronautique.
Jean : Comment expliquer la particularité de la Howmet ?
Xavier Micheron : Comme chacun le sait son propulseur est une turbine type hélicoptère, mais la particularité intéressante est que pour réduire le temps de réponse et même le supprimer les ingénieurs ont inventé un système de déviation des gaz, une sorte de by-pass commandé par une vanne de décharge directement reliée à l’accélérateur. Ces gaz s’évacuent par ce troisième pot d’échappement. Je suis très heureux de pouvoir donner ces précisions car trop souvent fut fait l’amalgame entre le système de la Howmet et le système adopté un temps par Lotus et par Rover. Cela explique le pourquoi des trois énormes échappements caractéristiques. Les systèmes de ces deux constructeurs avaient certainement des qualités mais avaient un temps de réaction de plusieurs secondes, en particulier à la décélération qui devait rendre les freinages très inconfortables. Je vais vous étonner mais cette voiture qui parait monstrueuse est assez facile à piloter ; un accélérateur, un frein, un volant, comme un karting en somme. Pas de boîte de vitesse, on a le couple maxi très vite, 58 mkg, 380 ch, à l’époque la Howmet était l’équivalent d’un 3 litres. Je dois dire que la nuit c’est un peu plus difficile car elle éclaire assez mal, nous sommes en 55w, nous n’avons pas eu le temps de moderniser l’éclairage. Pour conclure je vais vous confier un truc : cette voiture a effectué sa dernière course sur ce circuit en septembre 1968, je suis né en novembre de cette même année, alors c’est elle qui m’indique les trajectoires.
Un grand merci à Xavier Micheron pour cette interview.